Quand la trépidante scène de la sommellerie New-Yorkaise nous parle de ses vins fantasmés.
La licorne, remise au goût du jour par une culture pop régressive, offre aux hipsters en mal de magie une figure réconfortante et aux entrepreneurs ambitieux un nouvel emblème à afficher sur une multitude de goodies aux couleurs pastel. Les messages à caractère pro-licorne ont le vent en poupe : « Je scintille comme une licorne» revendique un sweet-shirt en coton bio. Depuis le temps où elle ornait les blasons du XVII ème siècle, l’animal fantastique n’avait jamais été si populaire et continue son ascension au sommet des thématiques les plus recherchées sur google depuis près de cinq ans. Notre conte de fées bascule de l’autre côté des bars de cuivre, dans le décor industriel chic des restaurants et bars à vins branchés de NYC, lumière tamisée, murs de briques rouges et colonnes apparentes ; nous sommes Down Town Manhattan. L’archétype de la licorne se décline au vin. Les sommeliers les plus influents de big apple se sussurent des histoires d’« unicorn wine » les pupilles dilatées. La scène de la sommellerie New-Yorkaise est en pleine ébullition et guide sa clientèle aisée, curieuse mais vite blasée, vers les tendances à venir. « C’est très hype aux Etats-Unis : il y a un phénomène de mode. De nombreux sommeliers sont très connectés aux réseaux sociaux –twitter , instagram – . Ce qu’ils partagent est suivi par les sommeliers d’autres villes Américaines, cela créé un effet boule de neige. Les licornes ont commencé comme cela » analyse Michael Englemann, sommelier du restaurant gastronomique du Moma (museum of modern art de New York). Le « vin licorne » est une métaphore qui désigne un vin iconique, produit en petite quantité , dont tout le monde parle mais qui n’orne que rarement nos tables. Pas nécessairement des vins couteux ni des crus qui atomisent les compteurs des classements hiérarchiques, mais des cuvées confidentielles, produites en petites quantités, qui s’échangent sous le tablier pour peu qu’on ait la chance de se procurer l’une des précieuses bouteilles, souvent dispensées par allocations. « Ce sont généralement des bourgognes ou des vins du Nord du Rhône, côte-rotie en tête, qui obsèdent les sommeliers de New-York. Des vins extrêmement rares, soit parce que le vigneron est décédé, soit parce qu’ils ne sont plus produits ou alors en quantités microscopiques. Les vins d’Henri Jayer par exemple, sont devenus impossibles à trouver depuis sa mort et atteignent des prix astronomiques ». Parmi les vins licorne Français les plus courus on peut aussi citer –entre autres- les vins du Jura de Pierre Overnoy , les saint-joseph de Raymond Trollat, les côtes-rotie de Marius Gentaz-Dervieux (le domaine n’existe plus) ou les saumur-champigny du Clos rougeard. Lorsqu’une licorne devient trop visible, celle-ci est-elle dépossédée de son diadème ? « le terme a perdu un peu de sa valeur initiale. Au départ, il décrivait vraiment des raretés, puis, certains se le sont approprié pour parler de vins produits en plus grande série » précise encore Michael Englemann. Devant un tel engouement on peut imaginer que nombre de vignerons aimeraient se voir pousser une corne. Ce qui rassemble le vin et la figure héraldique tient finalement à quelque chose d’impalpable : le fantasme.
GV